DiplĂŽmĂ© de Polytechnique (promo X89) puis de SupâAĂ©ro en 1994, Bruno Picquart a commencĂ© sa carriĂšre dans lâaĂ©ronautique et lâindustrie. Un parcours d'excellence, a priori tracĂ©, jusqu'au jour oĂč il se lance dans une idĂ©e folle : quitter son emploi pour reprendre une entreprise. DĂ©cision bien entendu mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. On a dĂ©cidĂ© de comprendre pourquoi & quels sont les enseignements quâil en retire.
Les différentes étapes de sa reprise
> Bonjour Bruno, en 2009, vous avez repris Labeyrie ĂlectricitĂ©, quâest-ce qui vous a donnĂ© envie de reprendre une PME ?
Jâai toujours eu envie dâĂȘtre patron.
Mais les circonstances mâont portĂ© sur une autre voie Ă la sortie de mes Ă©tudes : jâai intĂ©grĂ© un corps dâĂtat (donc avec un engagement de travailler pour lâĂtat quelques annĂ©es), jâĂ©tais jeune papa, pas assez fortunĂ© pour reprendre ou crĂ©er une entreprise.
En 2009, les conditions Ă©taient plus favorables, câĂ©tait le moment de franchir le pas de la reprise.
> Comment avez-vous procédé pour rechercher une entreprise à reprendre ? Avez-vous utilisé des outils ou intermédiaires en particulier ?
Jâai surtout utilisĂ© mon rĂ©seau et parlĂ© de mon projet.
Jâai rencontrĂ© des acteurs de la transmission, certes, mais pas dans une dĂ©marche systĂ©matique. PlutĂŽt le fruit du hasard qui a bien fait les choses.
Et jâai eu la chance de monter le financement de mon projet assez rapidement, en rencontrant des banquiers et des fonds dâinvestissements locaux. Mais en quelque sorte, oui, le projet mâa Ă©tĂ© pointĂ© du doigt par une amie expert-comptable, profession que jâassocie aux intermĂ©diaires du M&A.
Pas dâoutil spĂ©cifique, il y en avait beaucoup moins quâaujourdâhui.
> Est-ce que dâautres outils vous auraient aidĂ© dans votre recherche, ou dans lâaccompagnement Ă la reprise ?
Certainement, pour une recherche plus âprocessĂ©eâ. Avec du recul, je me rends compte que jâai vraiment eu de la chance que tout se passe si vite (quelques mois).
Du repreneuriat au salariat
>Quâest-ce que cela vous a apportĂ© dâĂȘtre chef dâentreprise ?
Câest une expĂ©rience incomparable.
On est responsable de tout. On se sent parfois seul, et il me semble important dâavoir un ou quelques âparrainsâ, Ă lâextĂ©rieur, qui ont cette expĂ©rience, et avec qui on peut rĂ©flĂ©chir Ă voix haute.
Câest Ă©galement une grande fiertĂ© de participer Ă la vie du bassin Ă©conomique dans lequel on se trouve, dâĂȘtre parmi ceux qui prennent des risques pour crĂ©er de lâemploi. Câest savoir dĂ©fendre son entreprise, et tous ses employĂ©s, dans lâadversitĂ© parfois ; ou en faire la promotion pour assurer son dĂ©veloppement.
> AprÚs 6 ans, cette aventure a pris fin, avec le recul que pensez-vous de cette expérience et quels enseignements en retirez-vous ?
Rien Ă regretter, il fallait que je fasse cette expĂ©rience. Les hauts deviennent trĂšs hauts quand on est chef dâentreprise, et, bien sĂ»r, les bas sont trĂšs bas. Mais je me considĂšre aujourdâhui comme trĂšs rĂ©silient, et cette expĂ©rience y a beaucoup contribuĂ©. Et mon parcours atypique est aujourdâhui un atout. Je nâai plus Ă dĂ©montrer que je sais sortir des sentiers battus, et je sais âsortir du cadreâ beaucoup plus que la plupart de mes collĂšgues.
Safran, groupe industriel et technologique français
> Vous avez ensuite pris la direction gĂ©nĂ©rale dâune BU (Business Unit) de Safran, le retour en grand groupe aprĂšs plusieurs annĂ©es Ă son compte est-il un challenge ?
Câest une autre aventure.
Il y a plus de moyens, un terrain de jeu plus grand, certes, mais câest moins impactant Ă©motionnellement.
Il y a extrĂȘmement peu de salariĂ©s des grands groupes qui ont connu lâexpĂ©rience entrepreneuriale, câest bien dommage. Le plus gros challenge pour revenir dans un groupe est peut-ĂȘtre justement de se rĂ©habituer Ă la lenteur des dĂ©cisions, au manque dâesprit entrepreneurial.
Et puis soudain, on a des chefs, ou des collĂšgues. Ils ont leur maniĂšre de voir les choses et lâon nâest pas toujours dâaccord !
Ses conseils
> Que recommanderiez-vous Ă un futur (ent)reprenereur qui hĂ©site Ă se lancer dans la reprise dâentreprise ?
LâhĂ©sitation est saine pourvu quâelle ne soit pas paralysante.
Il faut choisir le bon projet, parce quâon va y passer beaucoup de temps. Et il faut sâentourer, se faire conseiller, se faire chalenger.
MĂ»rir son projet, identifier les relais de croissance. Pour un repreneur, identifier ce quâil apportera dâautre, de diffĂ©rent, que le prĂ©dĂ©cesseur, qui est souvent le fondateur.
Pour les crĂ©ateurs dâentreprises, identifier en quoi le produit ou le service proposĂ©s seront diffĂ©renciant. Pour tous, rĂ©pondre Ă la question : âquelle est ma proposition de valeur ?â
Puis il faut surmonter lâhĂ©sitation: ĂȘtre chef dâentreprise, câest dâabord savoir prendre des dĂ©cisions, et prendre des dĂ©cisions sans avoir toutes les rĂ©ponses aux questions qui se posent...
Merci beaucoup pour votre temps et vos réponses Bruno !